L’impact de Rochechouart c’est quoi ?

L’impact de Rochechouart c’est une singularité géologique. Elle ne s’exprime pas aux yeux du profane. Il faut être géologue ou naturaliste pour remarquer que dans une zone d’un peu moins de 20 km de diamètre centrée entre Rochechouart, en Haute Vienne, et Chassenon en Charente, les roches qui affleurent (rarement) sont différentes et n’ont pas d’équivalent ailleurs dans le Limousin, et plus généralement ailleurs dans le Massif Central et en France. Il s’agit de brèches, assemblage de débris et de produits résultant de fragmentation et de la fusion des roches du socle, provoquées par l’impact de l’astéroïde, formant localement des dépôts massifs qui ressemblent aux laves volcaniques, ou des agglomérats de débris qui ressemblent aux brèches sédimentaires. Les exemples les plus visibles se situent dans le bâti ancien, monuments et fermes ayant exploité les matériaux extraits à proximité immédiate des constructions.

Monuments construits en impactites dans le cratère du Ries en Allemagne et dans celui de Rochechouart (Crédits : CIRIR/Philippe Lambert)

Ces brèches sont connues depuis le début du 19ème siècle et tour à tour interprétées comme d’origine volcanique, sédimentaire, volcanique et sédimentaire, tectonique, y compris par François Kraut qui les étudie à partir de 1935, jusqu’à ce qu’il les reconnaisse comme dues à un impact à la fin des années 60 [1] avec le concours de spécialistes du sujet de l’époque, notamment de Bevan French de la NASA, organisateur en 1966 de la première conférence mondiale sur les impacts et sur le métamorphisme de choc produit par impact, et avec celui des populations locales, et comme la famille Boulesteix sur la commune de Pressignac en Charente, laquelle au hasard de la rencontre sur le terrain, a guidé nos spécialistes sur un petit affleurement dans leur propriété lequel s’est avéré la preuve de l’origine impactitique des brèches de la région de Rochechouart-Chassenon. Comme quoi la science n’est pas qu’une affaire de scientifique et est dans tous les cas une affaire d’hommes et de femmes…

Documents historiques reconstituant l’histoire de la découverte de l’impact de Rochechouart via la communication de François Kraut à l’Académie des Sciences en 1969, à propos de la découverte des cônes de pression, symptomatiques du passage d’une onde de choc produite par un « impact géant » (Dessin et photo de gauche de Bevan French, documents d’archives de Madame Boulesteix : CIRIR/Philippe Lambert)

On ne connait ces cônes de pression et ces brèches qu’associés aux cratères d’impact sur Terre qui eux-mêmes n’ont été reconnus et étudiés que depuis à peine 60 ans. L’impact de Rochechouart est érodé. Agé de 200 millions d’années [2]. Il a perdu son expression topographique, seul le centre du cratère est préservé et tout ce qu’on connait de cet impact est « reconstruit » à partir des informations éparses contenues dans les roches qui affleurent mal, à cause de la couverture végétale importante dans la région, ce à quoi va palier la campagne de forages [3-5].

charente

Carte géologique simplifiée des impactites (formations colorées) sur fond topographique et représentation schématique en 3D de la zone exposée dans une coupe d’un cratère d’impact analogue à celui de Rochechouart avant érosion, sur la surface de la Lune  : crédits CIRIR/Philippe Lambert)

References : [1] Kraut F. (1969) Geologica Bavarica 61: 428–450. [2] Schmieder et al. (2010) Meteoritics & Planetary Science 45: 1225–1242. [3] Lambert P. (2010) GSA Special Paper 465, 505–541. [4] Lambert P. et al. (2016) Meteoritics and Planetary Science, Abstract, MetSoc 2016-Berlin, #6471.pdf. [5] Osinski G. R. and Ferrière L. (2016) Science Advances 2:e1600616.

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